Parmi les fous : chapitre 12 : Promesse
3012 : En bas " Surtout n’ouvre pas les yeux ! … Donne moi la main, voilà … attention ça glisse … " Errian eut un petit rire amusé en rattrapant tendrement Rose par la taille, alors qu’elle trébuchait, elle avançait à l’aveugle, un bandeau sur les yeux, guidée par la voix de son compagnon, ils étaient dans un tunnel large et sombre, un vieil égout qui ne servait plus depuis déjà plusieurs années, leurs pas résonnaient dans le silence étrange de ce lieu, il n’y avait pas âme qui vive, même les rats, locataires habituels de ce genre d’endroits étaient absents. La jeune femme demanda d’une voix curieuse : " Mais où tu m’emmènes ? Ca va faire une heure qu’on est ici à marcher… - Tu vas voir… c’est une surprise. " Ils firent encore quelques mètres, puis s’arrêtèrent, Errian grimpa seul le long d’une échelle rouillée et branlante, incrustée dans la paroi, il repoussa la lourde plaque de fer qui le séparait de l’extérieur. Il redescendit en hâte et guida Rose, ils montèrent ensemble. Lorsque Rose sentit la caresse du vent sur sa peau, elle frémit de plaisir, ce souffle frais qui courait sur son corps, jouant avec ses vêtements, décoiffant sa longue chevelure noire lui était inconnu, pourtant elle comprit immédiatement ce qui lui arrivait, elle avait longtemps essayé d’imaginé à quoi ressemblait le monde du dehors, ce que l’on éprouvait en étant en haut, elle n’osait y croire, mais cela ne faisait aucun doute, la brise légère qui tournoyait autour d’eux ne pouvait pas avoir été simulée, pas plus que l’odeur discrète qui flottait dans l’air, indescriptible, comme si elle respirait pour la première fois de sa vie. Errian saisit sa main et l’emmena le long d’une vieille route de terre, évitant soigneusement les trous et les branches pour qu’elle ne tombe pas, ils arrivèrent rapidement aux abords d’un petit village qui semblait à l’abandon, il l’entraîna à l’arrière d’une petite maison quelque peu à l’écart, elle aussi déserte, et dans un mouvement fluide, il ôta le morceau d’étoffe qui entourait les yeux de Rose. Celle-ci ne put retenir un cri de surprise, ils se trouvaient dans un immense jardin, entouré de quelques barrières, qui dominait le paysage, offrant une vue magnifique sur la campagne alentour, c’était l’hiver, jamais Rose n’avait vu plus beau spectacle que ce manteau de neige recouvrant la terre jusqu’à l’horizon, tachetée de ce de là par quelques arbres dénudés, on entendait au loin le bruit d’une cascade, sûrement cachée dans le bois qui longeait le bourg à quelques dizaines de mètres. Mais ce qui émerveilla le plus la jeune femme fut le grand rosier qui poussait contre un muret de pierre, il était en fleur malgré la saison et dégageait une odeur envoûtante, tel un paillon attiré par la lumière, Rose s’approcha, elle effleura un des pétales, puis passant son doigt sur la tige, elle se piqua. Elle eut un sursaut devant la douleur, quelques gouttes de sang s’enfuirent et tombèrent à terre, tâchant le sol blanc immaculé de traces rouges. Cette minuscule égratignure ne fit que lui confirmer qu’elle ne rêvait pas, Errian s’avança derrière elle en silence, et l’enlaça tendrement,, elle voulut parler, mais les mots se bousculaient dans son esprit et finissaient par mourir au fond de sa gorge, les larmes aux yeux elle contemplait sans comprendre le ciel, les nuages, le soleil pâle qui semblait lui aussi engourdi par de froid. Enfin, elle parvint à se ressaisir quelque peu et murmura : " Merci… " Le jeune homme sourit, il lui avait fallu des mois pour trouver la sortie des souterrains, se faufiler dans les égouts, parvenir jusqu’à ce village et enfin attendre le bon jour pour l’y emmener et lui montrer ce lieu magique, lui faire respirer cet air si doux, il avait réussi, enfin. " Je … Il fait trop froid pour rester, mais... au printemps, nous reviendrons, nous vivrons ici, ceux d’en haut ne le saurons pas, personne ne le saura, nous vivrons ici… tous les deux… " Rose se tourna brusquement vers lui en ouvrant de grands yeux étonnés, jamais le monde ne lui avait paru aussi beau, elle se surprit quelques instants à rêver de cet avenir, mais dans un dernier sursaut de réalisme, le doute s’empara d’elle, fronçant les sourcils elle demanda presque incrédule : " C’est vrai ? C’est vrai que nous … - Ne t’inquiète pas, fit-il en posant un doigt sur ses lèvres, nous retournerons ici, je te le promets, tu m’entends je te le promet, sur ces fleurs et leur parfum, sur mon amour … n’aie pas peur… " Ces dernières paroles finirent de rassurer la jeune femme, avec grâce elle effleura la joue d’Errian qui se pencha doucement vers elle et l’embrassa, celant sa promesse. " Premier baiser, premier amour, premières caresses pour que le mal disparaisse, ils sont si forts, main dans la main, son regard embrasse la courbe de ses hanches, ses yeux brillent comme des étoiles, comblées de bonheur, ils ne se rendent pas compte de cette chance dont ils jouissent, ils repoussent ensemble charognards et ennemis, défendent cette flamme qui les brûle, ce feu, si doux qui les anime, qui semble immortel. Mais un souffle de vent peut tout changer, celui qui attisait les cendres encore fumantes, malmène puis éteint le brasier. Premiers coups, premiers cris, premières blessures, car le bien jamais ne perdure. Bêtes traquées ils se cachent, mais il y a toujours quelqu'un derrière eux à leur poursuite, le sang coule, les larmes ruissellent le long de ses joues qu'il embrassait. Les pleurs remplacent les rires joyeux qui résonnaient autrefois, un appel à l'aide se fait entendre, hurlement strident, désespéré, il accourt, et dans l'obscurité voit s'enfoncer une lame d'acier dans le cœur de celle qu'il aimait. Premier amour, première mort, ironie du sort qui se moque des jeux de mots... A genoux dans la neige, le sang est une tache rouge, les larmes un fleuve sans fin... Il a perdu, tout perdu, rien ne le reconstruira, c'était un homme, il est devenu néant
Ecrit par parasitemort, le Samedi 27 Août 2005, 12:29 dans la rubrique "Parmi les fous".