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Parmi les fous : Chapitre 8 : Repos

« Voilà, tu sais maintenant … c’est notre histoire, il y a plus heureux je crois. Il a tout oublié, pour lui je ne suis qu’une pauvre prostituée qui est tombée amoureuse de lui. »

Lily garda le silence, elle ne s’attendait pas à cela, elle se blottit dans les bras de la pauvre femme, ne sachant quoi dire ni quoi faire. Elle ne pensait pas que ceux d’en bas étaient ainsi, on lui avait répété que ce n’étaient que des monstres sanguinaires, elle ne comprenait pas, pourquoi les maîtres avaient-ils menti ? Pourquoi les laissaient-ils là ? C’étaient des êtres humains comme les autres finalement, ils avaient autant le droit de vivre en paix qu’elle ou que ceux d’en haut. Une foule de questions se posaient sans sa tête, tout ce qu’on lui avait appris se révélait erroné, elle n’avait plus aucun repère, elle se sentait perdue. Rose la berça doucement, jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Elle se leva et portant la petite fille, elle retourna dans la chambre qu’elle louait, à quelques rues de là.

« Maman, maman, je suis venue te voir, ils m’ont laissé le droit de venir !

- Qui êtes vous, je ne vous connais pas, n’est ce pas ?

- Mais … maman .. c’est Lily, c’est moi.

- Lily , Lily, oh comme c’est amusant, tu as le même prénom que ma petite fille.

- Mais c’est moi, maman ! C’est moi ta fille.

- Mais non, voyons ne soyez pas ridicule, elle est dans mes bras ma Lily, regardez comme elle dort paisiblement… Oh quel ange ! Elle est si mignonne. »

Dans ses mains, elle tenait une poupée de chiffons, elle la serrait contre elle comme une enfant, rajustant sa petite robe, recoiffant sa chevelure de fils grossiers. Elle chantonnait une petite berceuse, souriant affectueusement. Lily recula de plusieurs pas, puis s’enfuit en courant. Les larmes n’arrivaient même pas à couler tant elle se sentait mal comme si un poids reposait sur sa poitrine, elle était orpheline. Sa mère l’avait oubliée.

 La fillette se réveilla en sursaut, elle était allongée sur un lit, dans une petite pièce, une bougie était allumée sur la table branlante qui se trouvait contre le mur gauche. Rose était assise sur une chaise, elle redressa la tête et lui sourit. Elle se leva et lui apporta un bol empli à ras bord d’un liquide chaud, à l’aspect peu appétissant que Lily but néanmoins. Elle fut étonnée de constater que c’était plutôt bon, de plus cela faisait presque trois jours qu‘elle n’avait rien avalé, elle aurait mangé n’importe quoi. La jeune femme la resservit, la petite fille continua de se nourrir de ce breuvage étrange, et lorsqu’elle fut rassasiée, elle reposa le bol et remercia vivement sa protectrice. Celle-ci répondit par un petit rire doux et chaleureux. Ces quelques moments de repos et de calme étaient précieux, ils étaient les seuls depuis si longtemps. Elle avait l’impression que cela faisait des années que son esprit n’avait pas été autant en paix. Elle se rendormit d’un sommeil cette fois-ci sans aucun rêve, tendre et bienveillant.

 Rose s’habilla, elle devait partir travailler pensa-t-elle avec lassitude. Sa robe déchirée mise, elle se regarda dans le petit miroir brisé accroché à un mur, elle n’était pas belle à voir, mais cela ne dérangeait pas les clients, ils s’en moquaient bien de la tête qu’elle avait, ils étaient eux-mêmes bien aussi laids. Elle sortit dans la rue, frissonnant à cause du froid, elle rejoignit l’avenue principale et attendit, faisant quelques pas pour se réchauffer, un homme arriva, lui fit signe de loin, résignée, elle le suivit.

 Errian errait depuis plusieurs heures déjà, son esprit était torturé par ce que lui avait dit Lily, il ne comprenait pas, c’est comme si elle avait vu en lui toutes les souffrances qu’il endurait, elle avait prononcé ces mots d’une voix si douce, elle voulait apaiser son chagrin peut être, mais elle ne le pouvait pas, Rose était morte, personne ne la lui rendrait. Il frappa du pied contre le sol et s’agenouilla. Ils s’étaient dit qu’un jour ils monteraient à la surface pour admirer le blanc de la neige et jouer dedans, sentir sa fraîcheur, le souffle du vent contre leur peau, la caresse du soleil. Ce devait être beau là haut, parfumé de l’odeur des fleurs. Il se demandait à quoi cela pouvait ressembler, il n’en avait jamais vues, cela devait être si merveilleux, cela devait lui ressembler… Mais elle n’était plus là, elle lui manquait tant, si seulement elle revenait…

Il se redressa, regardant vers le haut la Paroi de pierre, si haute, si grise, briseuse de rêves et d’espoirs. Les espoirs d’un fou se dit-il amèrement, un pauvre fou égaré. Il ne ressentait pas de remords pour toutes les horreurs qu’il avait commises, il possédait un unique regret, celui d’être tombé alors qu’il courait pour la secourir, s’il n’avait pas glissé, peut être serait-il arrivé à temps, peut être serait elle toujours là , près de lui. Il se surprit à penser à sa silhouette, à la courbe de ses hanches, au traits purs de son visage, à la douceur de ses lèvres délicates. Il chassa ses images de son esprit, serrant le poing. Il continua son chemin, un des malfrats qui travaillait pour lui vint le solliciter pour une querelle entre voyous, il le renvoya brusquement, le menaçant de l’étriper s’il l’importunait encore une fois.

Perdu, seul, de plus en plus transi de froid, il continua d’avancer, sans but, il espérait la voir au détour d’une rue, comme par hasard, la prendre dans ses bras et ne plus jamais se séparer d’elle comme il l’avait promis. Il repensa à cette prostituée qui lui avait présenté Lily. Pauvre fille, elle vendait son corps pour survivre, et il avait cette impression désagréable qu‘elle voulait le séduire. Il sourit méchamment en revoyant son visage hideux, il aimait la blesser de ces mots si cruels qu’il lui envoyait à la figure, son pauvre œil gris se remplissant de larmes, le suppliant du regard. Il haussa les épaules, désireux de ne plus penser à rien, il rentra à la taverne, se disant que dormir lui permettrait d’oublier cette journée étrange où tout semblait vouloir lui échapper.

Ecrit par parasitemort, le Mercredi 17 Août 2005, 20:02 dans la rubrique "Parmi les fous".

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