Parmi les fous : chapitre 7 : Romance d'hiver
--> (retour de vacance...)
3013, en bas.
Il faisait froid ce matin là, c’était l’hiver en haut, il neigeait mais cela ils ne le savaient pas car le ciel n’existait pas ici, pas plus que le vent ou les nuages. Errian était assis par terre sur le rebord défoncé d’un vieux trottoir usé, il s’impatientait. Cela faisait deux ans qu’il attendait ce jour, dès qu’il l’avait vue, il l’avait aimée, si fragile et si forte à la fois, belle à en mourir, il se serait tué pour elle, aujourd’hui ils avaient rendez vous, il voulait l’épouser. Mais le temps continuait de s’écouler, et elle ne venait toujours pas, il compta dix, puis vingt minutes sans que rien ne se produise, pas un mouvement dans la rue sombre, pas un bruit n’éveilla son attention. De plus en plus inquiet, il demeurait là, sans avoir que faire. Soudain, il y eut un cri, le jeune homme se retourna, et reconnaissant la voix de Rose, il accourut aussi vite qu’il le put. Dans sa précipitation, il glissa et tomba à terre, il se releva précipitamment et continua sa course effrénée. Les appels à l’aide redoublèrent d’intensité, le guidant vers elle.
Mais lorsqu’il arriva, il était trop tard, elle était là , étendue sur le sol, du sang partout autour d’elle, figé, il contempla la scène sans pouvoir esquisser un mouvement. Cela ne pouvait pas… non… ce n’était pas possible, pas elle… pourquoi elle ? Dans l’obscurité, il la vit bouger, se redresser avec difficulté, plein d’espoir il s’approcha d’elle, elle était dos à lui, il posa sa main sur son épaule et murmura quelques mots réconfortants, pleins d’amour, terrifié par la flaque rouge qui s’étendait toujours. Elle se retourna, il cria, son visage était ensanglanté, son œil gauche avait été à moitié arraché, elle voulut parler, lui toucher la joue pour le rassurer, mais il était devenu à moitié fou, il la repoussa avec violence, se releva avec hâte et s’enfuit en courant. Elle resta sans mot dire, tremblante, puis épuisée, elle s’évanouit.
Errian courrait le plus vite possible, s’éloignant à toute vitesse du corps de celle qu’il avait aimée. Les pensées se précipitaient dans son esprit, contradictoires, l’image de sa figure pleine de sang et de blessures lui hantait l’esprit, le froid mordant lui faisait perdre la raison, égaré, il ne savait plus ce qu’il faisait, ni où il allait ou ce qu’il fuyait. Il essayait de se convaincre que ce n’était qu’un cauchemar, qu’il se réveillerait bientôt et qu’il verrait son visage doux lui sourire et l’embrasser. Elle ne pouvait pas être devenue un de ces monstres horribles, [i]non, c’était impossible, jamais, elle n’était pas folle, lui non plus, il l’aimait, elle n’était pas un monstre, non pas elle[/i]. Il s’arrêta enfin, à bout de souffle, et s’effondra lourdement sur le sol. Il ne reprit connaissance que deux jours plus tard, l’esprit brumeux et désorienté. Il se dirigea aussitôt dans la ruelle où il l’avait trouvée, désireux de vérifier si tout cela n’avait pas été une mauvaise hallucination. Elle n’était pas là, mais il restait des traces de sang, un peu partout, s’éloignant dans une rue adjacente . Il les suivit et arriva rapidement dans la taverne où ils aimaient aller ensemble, même si elle était malfamée, ils s’étaient toujours senti bien là, en sécurité.
Il entra, s’approcha du gérant et demanda si Rose se trouvait ici, l’homme grimaça, puis lui indiqua le premier étage et l’y accompagna. Devant la prote de la petite chambre, Errian hésita un instant, puis entra, il faisait sombre dans la pièce, il y avait un lit où était alitée une personne. On alluma une bougie, la jeune femme qui se tenait allongée se redressa. C’était Rose. Non, ce n’était pas Rose, ce n’était pas vrai, pas elle… Une immense cicatrice barrait son visage, elle esquissa un sourire ce qui la rendit plus affreuse encore, lui prit la main, il la rejeta brusquement.
Elle murmura d’une voix faible : « Errian, je suis heureuse …. de te voir … désolée … j’aurai voulu … » Il hurla pour la faire taire, la frappa pour qu’elle ne dise plus un mot, il sortit son poignard et alors qu’il allait se jeter sur elle, le tavernier s’interposa , la lame se planta dans sa main, arrachant la chair et la peau, il cria de douleur et recula de plusieurs pas. Hébété, Errian contempla la scène, il la vit effrayée, si monstrueuse, défigurée, il se mit à pleurer et ivre de colère, il l’insulta, la jeta à terre, l’accusant de lui avoir volé celle qu’il aimait, de l’avoir emprisonnée, elle essaya de répondre, de lui expliquer, mais il n’écoutait pas, il avait changé de monde, il ne voyait que la cicatrice encore rouge, qui la rendait si différente. Elle éclata en sanglots, il continua de s’acharner sur elle, la battant à mort. Quand elle perdit connaissance, il cessa, puis il partit. Il marcha longtemps sans but, alors tout était vrai…
Son cœur battait à exploser, les larmes continuaient de rouler sur ses joues, il avait tout perdu, il ne lui restait plus rien, le vide dans sa poitrine était insupportable. Ils s’étaient promis de rester ensemble à jamais, de veiller l’un sur l’autre, il avait échoué, elle était partie. Elle ne reviendrait pas, il était seul. Il ne savait où aller, ni que faire, il erra sans but durant des jours, comme un fantôme. Au fil du temps, la haine remplaça sa tristesse et sa terreur, il eut envie de se venger de ces fous qui lui avaient volé tout ce qu’il possédait de plus précieux, apprivoisant sa rancune, il la transforma en courage et en colère, la nuit, il se promena dans la rue et rencontrant une femme au hasard, il se jeta sur elle et la blessa pareillement à Rose, il recommença les soirs suivants pendant une semaine, mais sa douleur n’était pas apaisée, alors il les tua, se sentant de plus en plus malheureux, se haïssant lui même.
Presque un mois s’écoula ainsi, de pauvres filles de joies mourraient, assassinées, pendant qu’il continuait son œuvre. Un jour, il se rendit à la taverne, elle était là. Elle vint vers lui timidement, il resta de marbre, regardant à travers elle sans ciller. Hésitante, elle commença :
« Errian, est-ce que ça va ? je suis désolée, ce sera dur, mais…
- Qui es tu ?
- Je suis Rose, voyons … Errian, tu…
- Non, tu n’es pas Rose, Rose est morte il y a plus d’un mois.
- Mais …
Il fit volte face et s’en alla, il n’y avait plus rien ici, rien qui vaille la peine de vivre ou de mourir, de sourire ou de souffrir, rien. Qu’est-ce qui le retenait à présent ? Il s’éloigna et disparut rapidement dans l’obscurité. Rose resta sans bouger, la bouche entrouverte, et d’une voix presque inaudible, elle murmura « mais je t’aime … ne pars pas… attends … je t’en prie … je t’aime … » Elle s’effondra sur le trottoir et fondit en larmes, désespérée.
Ecrit par parasitemort, le Jeudi 11 Août 2005, 21:21 dans la rubrique "Parmi les fous".
Commentaires
Framb
17-08-05 à 13:29
Je lis cette histoire avec toujours autant de plaisir :-) C'est horrible quand même qu'une personne cesse de vous aimer parce que vous avez été défiguré.
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Re:
parasitemort
17-08-05 à 13:43
ouais, écrire ça m'a déprimée, heureuse que ça te plaise, enfin, si Errian fait ça, c'est plus car il devient fou, il la reconnait même plus, pour lui, elle est plus Rose, enfin... merci pour ce petit commentaire.
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