Parmi les fous : Chapitre 16 : Aujourd'hui
La ville avait l’air sinistre, une vague d’immondices avait envahit la ville, causée par un débordement des égouts de Fafys. De nombreux cadavres gisaient sur le sol, la peau rendue friable par l’humidité, une odeur épouvantable s’échappant de leurs corps. Les corbeaux même les méprisaient, laissant les morts pourrir sur place, personne pour les enterrer, pour leur offrir un semblant de dignité. Lily errait dans les rues tristes et désolées, le regard allant d’un horreur à une autre plus terrible encore. Une vieille femme était accroupie sur le sol, l’air accablé, un vieux chiffon lui barrant le visage, en guise de bandage. Sa joue saignait, un mince filet de sang coulait le long de sa figure, perlant sur son menton, puis tombant sur ses genoux sans un bruit. La petite fille s’approcha et s’assit à ses côtés. Elles restèrent ainsi un long moment sans rien dire, le souffle rauque de la vieille troublant régulièrement le silence. Un homme passa rapidement dans la rue, Lily crut reconnaître un des acolytes d’Errian. Elle le suivit du regard avec un mélange de curiosité et de crainte, il y avait quelque chose de sauvage dans son regard, une parcelle d’incontrôlable, d’imprévisible. Elle avait l’impression qu’il pouvait à tout moment et sans raison aucune se saisir du poignard à ses côtés et l’attaquer avec un rugissement terrifiant. Pourtant il ne se passa rien de tel, l’homme continua son chemin sans prendre gare aux deux compagnes. La petite fille s’en voulut d’avoir été méfiante, animée d’un étrange besoin de parler, elle fit : " Aleist a sauté. Je ne sais pas s’il a vu le vide ou s’il a sauté en sachant ce qu’il y avait en bas. Je ne sais pas s’il a eu raison. Mais je ne l’ai pas suivi. Je pensais… je pensais qu’ici ils étaient tous des monstres, pourtant je n’en ai vu aucun. Alors pourquoi sont-ils ici ? On m’avait dit que ce monde était réservé aux criminels et aux fous, mais il n’y en a pas ici. J’ai cru que je pourrai rendre ce monde meilleur, qu’un jour nous pourrions tous nous en aller. Mais… Pourquoi a-t-il sauté ?… Il cherchait une autre vie, plus belle et moins amère, pourquoi doivent-ils tous mourir pour avoir le droit à un avenir différent ? Je croyais trouver les réponses et résoudre les problèmes, je croyais que nous partirions tous d’ici… je me suis trompée. Je suis désolée. " Sa voix se brisa et elle se tut. Elle se tourna vers la vieille femme. Des larmes coulaient le long de son visage triste et ridé, se mêlant à son sang. Elle esquissa un sourire puis se releva. Tendant la main à Lily elle regarda avec attention le décor autour d’elle. Sa figure se voila de chagrin et elle murmura : " Les étoiles s’éteignent ici bas, alors… " Elle ne poursuivit pas. Elle retira brusquement son bras hors de portée et partit d’un pas pressé, silhouette tourmentée au milieu de la rue sordide. Le silence s’abattit de nouveau, la petite se releva et d’un pas lent et sans entrain décida de retourner chez Rose. La vieille horloge sonna neuf heures. Trois hommes à la démarche chaloupée entrèrent dans un bar armés de long poignards. Bientôt, Lily entendit à l’intérieur des bruits de bagarres, entremêlés de cris et de jurons. D’un coup, le calme retomba et on ne perçut plus que quelques vagues soupirs étouffés. Le souffle court, elle demeura là, sans un mot, l’air interdit. Une silhouette sortit du bâtiment avec assurance. Immédiatement la fillette reconnut Errian, figée, elle l’observa essuyer son arme souillée de sang et la replacer au fourreau, puis relever la tête. Quelques secondes plus tard, une nuée de corbeau apparut et enveloppa le jeune homme de sa masse noire. Il ne réagit pas, commença à s’éloigner quand il aperçut enfin la petite fille. La fixant de son regard froid et précis, il resta impassible. La gamine voulut s’approcher de lui, mais il recula. Lily, désemparée, sentit le désarroi l’envahir, ses yeux s’emplir de larmes, elle avança encore d’un pas, mais Errian esquiva de nouveau, sa veste de cuir suivant ses mouvements. Il observa la petite a quelques mètres, l’air hagard désemparée, ses vêtements sales et déchirés la rendant plus misérable encore. Il détourna la tête et partit. Lily voulut le suivre mais alors qu’elle s’avançait, un corbeau se jeta sur elle et agrippa sa chevelure, tout en essayant de la blesser avec son bec. Elle cria de peur, se débattit, sa robe s’emmêlant autour de ses jambes l’empêchait d’avancer, les croassement de l’oiseau la terrifiant, lui faisait perdre la raison. Un homme de grande taille s’approcha, son visage était long, anguleux, ses traits durs. Il portait une grande cape d’un noir douteux ainsi qu’une tunique usagée maintenue par une ceinture à laquelle était accrochée un long poignard. Ses yeux gris fixaient le volatile avec attention. L’homme avança soudainement la main et se saisit de l’épaule de Lily qu’il immobilisa aussitôt, puis de sa deuxième main, bataillant contre les cheveux de l’enfant il attrapa l’oiseau par le cou et le lui tordit d’un mouvement brusque. Lily sursauta puis s’immobilisa. Elle se tourna vers son sauveur puis le remercia en balbutiant. Celui-ci eut un sourire carnassier et lécha sur ses doigts le sang du corbeau. Un léger tic faisait frémir sa paupière le rendant plus terrifiant encore. Avec un petit ricanement, il fit volte face et s’éloigna. La petite fille, reprenant ses esprits, tenta de le rattraper. Il s’arrêta brusquement et se retourna. Il la fixa un instant et passa sa langue sur ses lèvres. Lily se figea aussitôt. " Ce n’est pas la peine de me remercier. Je ne l’ai pas fait gratuitement - Gratuitement ? …. Qui êtes vous ? - Oh… Tu comprendras bientôt. Je m’appelle Barthélémy, tout ce que je donne, on le paye… Cela viendra. " L’homme réajusta son chapeau sur sa tête, puis s’en alla.
Ecrit par parasitemort, le Dimanche 15 Janvier 2006, 21:26 dans la rubrique "Parmi les fous".
Commentaires
alberto
15-01-06 à 22:54
oh Barthelemy.. ça va encore barder !
Attention : parmi les oiseaux, les corbeaux sont parmi les plus intelligents ! (ils ont nourri Ellie qui s'était caché loin de ses ennemis (les fans de Baal) qui voulaient le tuer)...
J'aimerais savoir si une graine d'écrivain comme toi porte une montre au poignet et si elle est à l'heure. Merci.
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Re:
parasitemort
16-01-06 à 17:01
pas de montre, le corbeaux me font peur, je préfère les corneilles.
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Re: Re:
alberto
17-01-06 à 00:19
et si tu en avais une de montre tu aurais l'heure d'été. En voilà une jeune fille qui est en bonne santé !
(la peur des corbeaux c'est pas trop grave, ils vont pas t'apporter la grippe), (enfin j'espère).
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Re: Re: Re:
parasitemort
17-01-06 à 16:23
oui, je ferai mieux d'avoir peur des poulets... Ils peuvent apporter la grippe eux...
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